Note d'information DGS/DH/DRH 96-666 du 28 octobre 1996
relative à la conduite à tenir pour la prophylaxie d'une contamination par le VIH en cas d'accident avec exposition au sang ou à un autre liquide biologique chez les professionnels de santé
Note du Secrétariat d'Etat à la Santé et à la Sécurité sociale
La note n°666 du 28 octobre 1996, ci-dessous * est relative à la conduite à tenir, pour la prophylaxie d'une contamination par le VIH, en cas d'accident exposant au sang ou à un autre produit liquide biologique chez les professionnels de santé. Elle actualise et remplace la note n° 81 du 25 septembre 1995, qui prévoyait, notamment, une prophylaxie par la zidovudine.
* Remarque importante : la publication présentée ici ne comporte pas l'ensemble des annexes appelées dans la note. Ces annexes sont systématiquement diffusées aux établissements de santé par les DDASS.
La conduite présentée dans la présente note définit un dispositif déconcentré,
avec un ou des médecins référents pour la prophylaxie du VIH après un
accident, dans chaque établissement hospitalier, public ou privé.
Le traitement repose sur une bithérapie associant zidovudine et lamivudine,
avec, dans les cas les plus à risque, adjonction d'une antiprotéase, l'indinavir.
Le choix des molécules, établi après la consultation du groupe d'experts
présidé par le Pr Jean DORMONT et celle de la commission d'AMM de l'Agence
du médicament, tient compte de l'indication considérée. Il n'est pas directement
extrapolable à l'ensemble des indications des antirétroviraux.
Le traitement doit être débuté le plus précocement possible, de préférence
dans les 4 heures qui suivent l'accident avec exposition au sang. Pour
cela, la note prévoit la mise à disposition, sous la responsabilité du
pharmacien hospitalier, de trousses de prophylaxie, contenant la quantité
suffisante pour les 48 premières heures de traitement, dans tous les services
d'accueil et d'urgence. La durée du traitement est d'un mois.
La majorité (76) de ces 79 contaminations rapportées est le fait de piqûres
ou blessures. Les cas par projection cutanéo-muqueuse sont beaucoup plus
rares (6 cas).
Les études prospectives menées auprès du personnel soignant exposé à du
sang infecté par le VIH ont permis de chiffrer le risque de transmission
à 0,32 % [0,18%-0,46 %] après une exposition percutanée. Un seul cas de
séroconversion après projection sur les muqueuses ou sur la peau lésée
a été observé dans ces études prospectives de cohorte, et le risque serait
de 0,03 % [0,006 %-0,18 %].
Le risque de transmission est directement lié à la profondeur de la blessure,
à l'utilisation d'une aiguille creuse souillée de sang et ayant été utilisée
en intraveineux ou intra-artériel direct, ainsi qu'à la quantité de virus
circulant chez le sujet infecté.
Il est rappelé qu'une exposition professionnelle est définie par un contact
avec du sang ou un liquide contaminé par le VIH, lors d'une piqûre avec
une aiguille, d'une coupure avec un objet tranchant ou par un contact
avec du sang ou du liquide contaminé sur une plaie, une peau non intacte
ou une muqueuse.
Toutefois, à ce jour, si le VIH a également été retrouvé dans le sperme,
les sécrétions vaginales, le lait, les liquides amniotique, péricardique,
péritonéal, pleural, synovial ou céphalorachidien, aucun cas de séroconversion,
après exposition à de tels liquides, n'a jamais été rapporté. Dans la
salive, les larmes, l'urine, les selles, les sécrétions nasales, la sueur,
le virus est habituellement indétectable ou en concentration trop faible
pour entraîner une contamination.
Seuls le sang ou des liquides biologiques contenant du sang ont été à
l'origine de cas prouvés de contaminations professionnelles par le VIH.
Dans la présente note, les termes de soignants, personnels de santé et
personnel soignant sont utilisés indifféremment. Ils représentent, de
façon extensive, toute personne potentiellement exposée, qu'elle concourt
directement ou indirectement aux soins des malades.
1. RAPPEL DES MESURES GENERALES DE PREVENTION
Les mesures de prévention à respecter lors de la manipulation de sang
et de liquides biologiques sont fondées sur le principe selon lequel tout
sang ou liquide biologique est potentiellement infectant (contaminé par
le VIH ou par d'autres agents pathogènes transmissibles par voie sanguine).
Les mesures de prévention consistent, notamment, à se laver les mains,
à manipuler avec soin les objets tranchants et piquants et à les jeter
immédiatement après usage dans un conteneur, à ne pas recapuchonner les
aiguilles, à désinfecter ou stériliser convenablement les instruments
ou à les jeter après utilisation selon le cas et à porter un équipement
de protection personnel adapté aux diverses situations (gants, masque,
blouse, tablier, lunettes).
Il est du rôle de l'employeur d'assurer la formation des personnels en
matière d'hygiène hospitalière, de précautions à prendre pour éviter l'exposition
au risque de contamination par des agents infectieux et de procédures
à suivre en cas d'accident. Son rôle est aussi de fournir des moyens de
protection individuelle et de mettre à disposition des matériels de sécurité.
2. CONDUITE A TENIR CHEZ UN SOIGNANT EN CAS D'ACCIDENT AVEC EXPOSITION AU SANG OU A UN AUTRE LIQUIDE BIOLOGIQUE
2.1. Nettoyage de la plaie
Après piqûre ou blessure cutanée, nettoyer immédiatement la plaie à l'eau
courante et au savon, rincer, puis réaliser l'antisepsie avec un dérivé
chloré (soluté de Dakin ou éventuellement eau de Javel à 12 degrés chlorométriques
diluée à 1/10e) ou, à défaut, à l'alcool à 70° ou à la polyvidone iodée
en solution dermique, en assurant un temps de contact d'au moins 5 minutes.
En cas de projection sur les muqueuses, en particulier au niveau de la
conjonctive, rincer abondamment, de préférence au sérum physiologique
ou sinon à l'eau au moins 5 minutes.
2.2. Evaluation des risques Infectieux
L'évaluation des risques infectieux doit être faite de façon immédiate
par un médecin.
Les personnes les mieux placées pour fournir un conseil médical spécialisé
sur l'évaluation des risques infectieux sont soit un médecin référent
pour la prophylaxie (cf. rôle en 2.3.6), qui est un médecin volontaire
formé, appartenant le plus souvent à un service ayant l'habitude de prendre
en charge des patients infectés par le VIH, soit le médecin du travail.
Le médecin du travail a, dans le cadre de ses attributions énumérées aux
articles R. 241-41 et suivants, ainsi qu'aux articles R. 242-11 et suivants
du Code du travail, une mission générale de conseiller pour la protection
des personnes contre l'ensemble des nuisances et notamment contre les
risques d'accident du travail, d'utilisation des produits dangereux ou
d'exposition à ces produits.
Néanmoins, ces personnes ne pouvant être présentes à tout moment, c'est
le médecin responsable des urgences de l'établissement ou du service d'accueil
et d'urgence (SAU) le plus proche qui, en leur absence, évaluera les risques
liés à l'accident.
Cette évaluation est assurée à chaque fois que cela est possible en liaison
avec l'équipe clinique qui a en charge le patient source. Elle repose
sur deux éléments : la sévérité de l'exposition et la nature du liquide
biologique responsable.
2.2.1. La sévérité de l'exposition liée notamment à la profondeur de la blessure et au type d'aiguille ou de matériel en cause
Plus la blessure est profonde, plus le risque de contamination est élevé.
Les piqûres par aiguille creuse contenant du sang, telles les aiguilles
de prélèvement veineux ou artériel, sont les plus susceptibles d'entraîner
une contamination.
Les piqûres avec des aiguilles sous-cutanées ou intramusculaires ne contenant
pas de sang et les piqûres à travers des gants avec des aiguilles pleines,
comme les aiguilles à suture, présentent un risque moindre de contamination
par le VIH.
Les projections cutanéo-muqueuses présentent un risque encore plus faible.
2.2.2. La nature du liquide biologique responsable et le statut sérologique et clinique du patient source
Le sang est seul à l'origine des cas prouvés de contamination professionnelle.
Il est nécessaire de s'informer du statut sérologique du patient source
(sérologies VIH, VHB et VHC) et, le cas échéant, de son statut clinique
(plus le malade est à un stade évolué de l'infection à VIH, plus le risque
de contamination est grand), de ses traitements antérieurs, de son niveau
immunitaire et de sa charge virale.
Si le statut sérologique du malade source n'est pas connu, le médecin
responsable du malade lui prescrit rapidement des sérologies VIH, VHB
et VHC, après accord de celui-ci. En l'absence de données sérologiques
(recherche impossible, refus du malade), ou en l'attente des résultats,
on se basera sur la clinique et sur des arguments épidémiologiques.
2.3. Prophylaxie antirétrovirale
2.3.1. Bases théoriques d'un traitement prophylactique
La zidovudine
Les études animales suggèrent que la zidovudine peut être efficace pour
empêcher la réplication des rétrovirus chez les animaux inoculés avec
le virus (souris, chats).
Le bénéfice est plus évident quand le traitement est administré avant
l'exposition. Son efficacité diminue quand le traitement est retardé.
Chez des singes, les études sur l'efficacité de la zidovudine, donnée
quelques heures avant l'inoculation d'une petite quantité de virus (comparable
à la quantité transmise lors de piqûres), ont donné des résultats discordants.
En revanche, des données expérimentales chez le macaque montrent l'efficacité
d'une nouvelle famille d'inhibiteurs nucléosidiques, type PMPA (phosphonylméthoxypropyl
adénine), dans la prévention de l'infection par le VIS (virus de l'immunodéficience
simiesque).
Chez les humains, l'efficacité préventive de la zidovudine dans la transmission
materno-foetale et l'efficacité relative de celle-ci au cours des primo-infections
symptomatiques sont des arguments pour une action bénéfique en prophylaxie
chez les soignants.
Par ailleurs, une étude rétrospective cas-témoin, publiée récemment par
le CDC, montre une réduction de 80 % du risque de contamination par le
VIH après exposition percutanée chez les soignants ayant pris de la zidovudine
(étude rapportée dans le BEH n°18/1996, du 29 avril 1996).
Seul un essai, randomisé, en double insu contre placebo, permettrait de
mettre en évidence avec certitude l'efficacité (ou l'inefficacité) d'une
telle prophylaxie après exposition au VIH. Un tel essai ne serait pas
éthique.
Une douzaine d'échecs d'une prophylaxie par la zidovudine après exposition
professionnelle au VIH ont déjà été publiés dans la presse médicale internationale,
ce qui ne prouve pas pour autant son inefficacité. Une partie de ces échecs
peut vraisemblablement être expliquée par la résistance de la souche VIH
à la zidovudine.
Une association d'antirétroviraux
Deux arguments plaident désormais en faveur d'une association d'antirétroviraux
en prophylaxie chez le soignant, plutôt qu'une monothérapie par la seule
zidovudine. D'une part, 10 à 15 % des souches isolées en cours de primoinfection
sont d'emblée résistantes à la zidovudine, d'autre part, en curatif chez
les patients infectés par le VIH, les associations sont plus efficaces,
en particulier sur la charge virale.
2.3.2. Critères de décision pour une prophylaxie après exposition au sang ou à un liquide biologique contenant du sang
2.3.2.1. Si le malade source est connu comme infecté par le VIH, la décision de prophylaxie repose sur les critères de sévérité de la blessure résumés dans le tableau 1.
Toute exposition à du VIH concentré (par exemple en laboratoire de recherche) doit être traitée comme une exposition à haut risque (prophylaxie recommandée et "risque de transmission important "pour le paragraphe 2.3.3 ci-dessous).
En cas de contact cutanéo-muqueux sans blessure, les risques sont bien moindres. Une prophylaxie peut toutefois être proposée selon les mêmes modalités de traitement (2.3.3), en cas de projection importante de sang, sur une muqueuse ou une peau lésée, surtout si le patient source est atteint de sida, ou a une charge virale élevée.
2.3.2.2. Lorsque le statut VIH du malade source est inconnu au moment de l'accident, la prophylaxie ne sera discutée qu'en présence d'une symptomatologie clinique ou biologique compatible soit avec une primo-infection VIH, soit avec un déficit immunitaire sévère ainsi que sur des arguments épidémiologiques (prévalence de l'infection parmi les malades pris en charge dans l'établissement, notion d'un facteur de risque chez le malade source).
class="titrenomto3">2.3.3. Schéma thérapeutique
A ce jour, la lamivudine (3TC) est le meilleur candidat en association avec la zidovudine, du fait de leur bonne tolérance immédiate et de la simplicité de leur administration. La place de nouvelles molécules, plus efficaces, telles les anti-protéases, reste à définir mais elles peuvent d'ores et déjà être prescrites dans certaines conditions.
TABLEAU I
Indication de la prophylaxie en fonction de l'importance de l'exposition
Nature de l'exposition |
Malade source VIH+ |
|
Stade SIDA
et/ou charge virale élevée |
Stade non SIDA
et/ou charge virale faible |
|
Massive(1) | Recommandée | Recommandée |
Intermédiaire(2) | Recommandée | Possible |
Minime(3) | Possible | Possible mais à discuter |
(1) Piqûre profonde, dispositif intra-vasculaire,
aiguille de gros calibre.
(2) Coupure avec un bistouri à travers des gants, piqûre superficielle avec une aiguille creuse. (3) Simple érosion épidermique superficielle avec une aiguille pleine ou de petit calibre. |
2.5. Suivi sérologique
Si l'évaluation des risques infectieux a identifié un risque de contamination
ou si ce risque est impossible à déterminer, un suivi sérologique et médical
s'impose chez le soignant.
En revanche, si le statut sérologique VIH du malade source est négatif,
un suivi n'est pas indispensable, sauf en présence d'arguments en faveur
d'une séroconversion VIH en cours chez ce malade.
Le suivi sérologique et médical est réalisé par un médecin du choix du
soignant.
Dans les établissements hospitaliers publics ou privés, le médecin du
travail est souvent l'interlocuteur privilégié pour conseiller l'agent
et assurer la surveillance sérologique quand elle est nécessaire. Son
rôle est également essentiel dans l'analyse des causes d'accidents de
travail et dans la mise en place de mesures de prévention.
Une sérologie VIH doit être pratiquée chez le soignant avant le 8e
jour qui a suivi l'accident. Si la sérologie VIH se révèle négative, un
suivi sérologique sera réalisé au 3e mois et avant la fin du
6e mois après l'accident, la durée du suivi après exposition
accidentelle ayant été ramenée à 6 mois au lieu d'un an (*)
(voir aussi les autres examens biologiques en 2.3.6).
*Décret du 18 janvier 1993 Portant modification du barème indicatif d'invalidité en madère d'accident du travail et arrêté du 18 janvier 1993 fixant les Unités de suivi sérologique des personnes victimes d'accidents du travail entraînant un risque de contamination par le virus de l'immunodéficience humaine.
Décret du 9 mars 1993 portant modification du barème indicatif devant servir à la détermination du Pourcentage de l'invalidité résultant de l'exercice des fonctions pour les fonctionnaires civils
et arrêté du 21 janvier 1994 fixant les modalités de suivi sérologique des fonctionnaires civils victimes d'accidents de service entraînant un risque de contamination par le virus de l'immunodéficience humaine.
Il est important que les tests soient réalisés dans ces délais pour que
le soignant puisse prétendre à une réparation au titre des accidents du
travail ou des accidents de service, en cas de séroconversion. Il faut
conseiller à l'agent de signaler au médecin qui le suivra toute infection
et tout symptôme survenant dans les 6 mois qui suivent l'exposition et
pouvant être en rapport avec une primoinfection par le VIH (fièvre, asthénie,
nausées, pharyngite, éruption cutanée, malaise, myalgie et arthralgie).
La vérification de l'immunité vis-à-vis de l'hépatite B et un suivi de
l'hépatite C devront par ailleurs être réalisés en fonction du risque,
en même temps que la sérologie VIH.
3. MISE EN PLACE ET EVALUATION
Chaque Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS)
est chargée de compléter les annexes ci-jointes en fonction des ressources
locales et de veiller à la mise en place de la présente note dans chaque
établissement public ou privé de santé, participant ou non au service
public hospitalier, et dans chaque établissement ou service médico-social.
Les dispositions de cette note feront, dans chaque établissement, l'objet
d'une information large auprès du personnel de chaque service et de consignes
écrites. La conduite propre à l'établissement, prise en application de
la présente note, sera affichée ou mise à disposition, avec la liste des
médecins référents, dans chacun des services.
L'évaluation de la présente note fera l'objet d'une note ultérieure. Celle-ci
prendra en compte la date effective de mise en place dans chaque établissement
qui sera communiquée à la DDASS du département, ainsi que le nombre de
traitements débutés.
Pour toute information concernant l'application de cette note, contacter
la DDASS du département la Division Sida de la Direction générale de la
santé, la mission Sida de la Direction des hôpitaux, le Réseau national
de santé publique ou la Direction des relations du travail (voir aussi,
en annexe 6, la référence à la ligne VIH info soignant : 0 801 630 515).
Pour toute information d'ordre médical et pour un avis sur un cas particulier,
contacter, en l'absence du médecin référent un médecin du CISIH (voir
aussi l'annexe 6, établie localement).
La présente note sera publiée au bulletin officiel du ministère du Travail et des Affaires sociales.
LISTE DES ANNEXES A JOINDRE LORS DE LA MISE EN PLACE DE LA NOTE ET QUI DOIVENT FIGURER NOTAMMENT DANS LA BOITE DE TRAITEMENT
* NDLR : ligne actuellement prolongée
Le nom, les sources d'appartenance, le numéro de poste et, le cas échéant de bip des médecins référents pour prophylaxie du VIH. Le cas des jours fériés consécutifs est prévu par cette annexe (annexe 7, à établir dans chaque établissement).